[Concours]Profitons_des_vacances
Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 9
ALIVE
Publié le 19/08/13 à 01:17:39 par Pseudo supprimé
crazymarty
- Tu as froid ?
Je lui demande, par pur acquis de conscience. Ça l'emmerde de parler, il est si bien, comme ça, au silence de la nuit.
- Non Noaa, j'ai pas froid.
Ça l'emmerde, alors, il se tourne pour rester seul. Tranquille.
Moi, moi je baisse les yeux. Sous moi, le vide perturbant de cinquante étages de vides. Les pieds ballants, un petit courant d'air qui remonte de Peppering street. A tout moment, la chute menace.
Qu'est ce que je m'en fous, je suis déjà morte une fois.
* * * * * * *
Si aujourd'hui je vous écris ces quelques mots, voilà 20 ans, j'étais condamnée. Par la médecine, par la morale. Par la vie. Condamnée à crever, au fond du caniveau, comme un produit abjecte d’une quelconque nature. Mais j'ai jamais voulu mourir. Au début, j'ai cru à la guérison. J'ai voulu y croire, très fort. Ça faisait du bien d'y croire, de se raccrocher à l'idée que malgré la douleur, malgré les traitements handicapants, malgré la perte progressive de toute mon autonomie et de tout mon amour propre, j'y arriverais. Quelle belle connerie j'ai fait. La maladie n'a jamais cessée de progresser. Pire encore, on m'annonçait "une forme foudroyante", ne me restant plus que quelques mois pour arranger mes affaires. Sourires condescendants, mots d'excuses hypocrites, et puis ils se retournent. Ainsi sont les gens. Mieux vaut-il éviter de croiser la route d’un malade, pour se sentir plus vivant. Et oublier, toujours, oublier. On a préféré me mentir plutôt que de m'avouer qu'une autres solution, beaucoup plus risquée, existait.
Par un heureux hasard, je l'ai découverte alors que j'étais entré à l'hôpital pour une nouvelle cure. Je n'étais pas encore trop affaiblie par les traitements, et je mettais à profit ces quelques heures de sursis en lectures de toute sortes. Beaucoup de magazines, scientifiques je veux dire. Et c'est comme ça, en lisant ce foutu article, que tout a changé dans ma tête.
Avec ce sourire plein d'espoir, j'en parlais au médecin lorsqu'il arriva dans la chambre. Quelle connerie n'avait je-pas fait !
- Non, mademoiselle. Tout ça, c'est de la folie. Rien de semblable ne fonctionne pour les maladies auto-immunes.
Et d'ajouter, assassin.
- Je ne cautionne pas ces pratiques.
Abattement total. Couplé aux effets du traitement, j'ai eu l'impression d'avoir l'esprit ravagé par la tristesse la plus immense que j'ai jamais connu. Le désespoir le plus absolu, totalement désemparée.
J'en ai reparlé un peu plus tard avec le médecin. A la fin de la cure, pour tout dire. Même mur de brique, borné et désagréable. Sciemment, il me condamnait à mourir à 20 ans.
Tic-tac, tic-tac. Les mois passe, la maladie progresse. Lentement, je réalise cette petite mort. Il faut réagir si je ne veux pas disparaitre. Faire vite, faire bien. Tenter l'impossible. Faire tomber les principes érigés par ma sainte famille, bouchon judéo-chrétien qui retient ma vie. Ma vie. Pas celle de ce Dieu hypocrite, aussi hypocrite que les Hommes qui le vénère.
C'est le temps des premiers contact. Des consultations organisées à la dernière minute, des voyages entre Duxington Harbour et Istanbul, Tokyo, Mumbai. Asie, terre de multiple. Espoir. Vague sentiment de bonheur, dans la tourmente.
La maladie qui progresse, encore et toujours. J'ai mal.
Trois mois passent ainsi. Dossier accepté à Istanbul. Je respire, me sens plus légère. Je danserais si je n'avais pas les jambes bloquées par les attelles et les mains prises par les béquilles. Dossier pris, mais ô combien couteux. Le compte ouvert par mes parents suffira à peine à payer les frais nécessaires. je serais vivant, potentiellement, mais ruinée à coup sûr lors de mon réveil. Il faudra faire avec. L'important, c'est de rester vivant. Juste ça. Le reste, le reste ça ne compte pas.
Rendez vous fixé. Nouveau voyage. Pas d'adieux, pour personnes. A leurs yeux, je serais disparue. A dans 20 ans, les amis. Dans ce corps qui ne sera plus ma prison.
* * * * * * * * *
20 janvier 2023, 15 h 45.
Arrivée de la patiente dans le service. Pas de plaintes particulières, exceptés celles liées à la maladie. Examen prévu demain et après demain. Procédure de mise en coma artificiel discuté avec l'anesthésiste : pas de précaution particulière.
22 janvier 2023, 17 h 10.
Chek-up effectué. Mise en coma programmé le 24 janvier à 14 h 00. Rendez -vous avec l'avocat et la neuropsychologue demain à 16 h.
Quelques pleurs cet après-midi. Pas de plaintes particulières.
25 janvier 2023, 14 h 30.
La patiente est sédatée sous un seuil léger de BZD et de morphine. Progression au coma profond jusqu'au 15 février. Prélèvement d'ovocyte et de cellules le 23 février. Placement de la patiente en cuve d'attente le 3 mars 2023, à Sofia. Intervention d'extraction cérébrale prévue le 21 novembre 2043, réveil du corps n°2 le 25 janvier 2043.
Fin du dossier en service de pré-clonage. Relais avec le service de chirurgie.
* * * * * * * * * * *
Maintenant, vous savez tout. Ce que j'ai accepté, cette erreur blasphématoire à vos yeux. Oui, je l'ai fais. Plutôt que de mourir bêtement, j'ai sauté ce pas douloureux. Oh, bien sûr, je suis heureuse de vivre, même si je dois travailler pour subsister à mes besoins. Je n'aurais plus jamais la fortune que j'ai connue avant, je ne m'en plains pas.
Même si le monde a changé. Même si maintenant, c'est tellement courant de changer de corps en cours de vie.
Oui, je vis plutôt bien. 20 ans à dormir ne m'ont pas donné trop à réfléchir. Même si dehors tout a changé, rien ne s'est passé pour moi.
Alors voilà pourquoi ce soir, je suis là, les pieds ballants, avec Jud' . Même s'il fait la gueule, même si on s'aime bizarrement. Rester en vie, à coté de lui, c'est ça mon plus grand bonheur.
Même si c'est une erreure.
* * * * * * * * * * * * * * *
L'aube nait au milieu de la nuit. Il est 3 heures, le soleil brille plus fort qu'en pleine journée. D'ailleurs, c'est pas le soleil. Ça serait tellement mieux que ce soit le soleil. Tellement plus normal. Mais rien n'est normal. Les vitres qui tremblent, la lumière aveuglante, moi debout à cette heure.
- Jud' ?
- Mmmmm ....
Et il se rendort.
Dehors, il n'y a pas un bruit. Pourtant, je sais que c'est pour moi. Doucement, la lumière décroit, les vitres cessent leur danse infernale. Jud' n'est plus là, il est déjà parti. Je me ressaisi.
Ce n'était que l'express de Sant Andrewh.
Ce n'était que ça.
Deux semaines depuis l'épisode sur le toit du gratte-ciel. Deux semaines déjà, que je replonge dans cette triste période. J'en perds le sommeil, je deviens irritable, angoissée. Comme si tout allait redevenir comme avant.
Crainte stupide, mais je refuse de céder à la tentation de la folie. La mort est repartie loin, à présent. Je le sens.
Alors, pourquoi-ai je peur ? Bientôt un an que je suis revenu, bientôt un an que je vis "comme tout le monde". Jouer à faire semblant ? Non, je n'y arriverais pas.
Bruit métallique dans la porte. Je sursaute. Sors du lit sans allumer la lumière, descends voir ce qu'il se passe en bas. Le grattement métallique se fait plus insistant à mesure que j'approche de la cuisine. Plus fort encore. J'ai peur, je tremble comme une feuille.
- Allez vous en !
Le grattement cesse aussitôt. J'halete, je suffoque, les gouttes tombent sur la table. Je m'agrippe le front à deux mains, m'affale comme une loque. Je deviens folle. Folle de peur, angoissée pour tout. C'est affreux, je ... veux juste être heureuse. Pas la folie, le bonheur.
Forcément, ça a réveillé Jud'. Il s'est levé, il est derrière moi. je peux voir mentalement ses cuisses un peu trop maigres, les formes anguleuses de ses hanches sous le boxer, la barbe de trois jours. Sa respiration, il s'approche.
- Oh, Jud', je vais devenir folle ...
Il prend une chaise, s'assoit face à moi.
- Noaa ...
- Prends moi dans tes bras.
Il soupire, avant de m'accepter contre lui. Je me recroqueville, comme une gamine.
- J'ai eu si peur.
- Tu sais bien que ce sont les médocs qui font ça.
- Je sais ... je sais.
Nouvel éclat de sanglot. Je le retiens avec difficulté.
- Qu'est ce qu'il faut faire ? C'est de pire en pire en ce moment ...
Jud' ne dit rien. Il reste silencieux un bon moment.
- Je reviens, fini-t-il par lâcher.
- Dépêche-toi, je suis pas rassurée.
Sourire, à demi dissimulé par le jeu du clair-obscur nocturne et de la lampe de la cuisine. Il disparait, pour de bon.
Je tente un exercice de relaxation mentale. Respirer calmement, fermer les yeux. Difficile au début, mais j'arrive à ramener un peu de ce calme vers moi. Dehors, la nuit, le silence. Pas un bruit. Pas un bruit, puis le claquement presque silencieux des pieds de Jud' contre le carrelage. Je souris, il est derrière moi.
- C'est bon, Jud'. Je crois que c'est passé.
- C'est bien.
Cliquetis métallique. Je n'ai pas envie de me retourner. C'est surement ces clefs, il joue toujours avec.
- Ne t'inquiète pas, Noaa. Ça reviendras plus.
Nouveau cliquetis métallique.
- C'est de la faute à personne. Tu le sais bien, Noaa ?
- Oui ... enfin je crois. Pourquoi ?
Gerbe de feu. Éclair photographique orangé. Bruit sec et stressant. Tout le monde connait ce bruit. Tout le monde.
La mort, cachée. C'est bien, comme ça, elle n'a pas eu à souffrir. Le corps est mort, l'esprit avec.
Jud' a balancé l'arme voilà bien longtemps. Noaa dort sous terre. Elle n'a plus s'angoisser. La mort a fini par s'occuper d'elle.
Mais pas comme elle aurait voulue.
* Sun Times, web-numéro du 29 juillet 2044
Une femme abattue de deux coups de feu a été retrouvé à son domicile, sur Cokx Street, en début d’après-midi. L’auteur du crime serait de toute évidence le concubin de la victime, actuellement interrogé par les services de la police fédérale. Les premiers éléments de l’enquête semblent orienter le meurtre vers le motif amoureux. *
- Tu as froid ?
Je lui demande, par pur acquis de conscience. Ça l'emmerde de parler, il est si bien, comme ça, au silence de la nuit.
- Non Noaa, j'ai pas froid.
Ça l'emmerde, alors, il se tourne pour rester seul. Tranquille.
Moi, moi je baisse les yeux. Sous moi, le vide perturbant de cinquante étages de vides. Les pieds ballants, un petit courant d'air qui remonte de Peppering street. A tout moment, la chute menace.
Qu'est ce que je m'en fous, je suis déjà morte une fois.
Si aujourd'hui je vous écris ces quelques mots, voilà 20 ans, j'étais condamnée. Par la médecine, par la morale. Par la vie. Condamnée à crever, au fond du caniveau, comme un produit abjecte d’une quelconque nature. Mais j'ai jamais voulu mourir. Au début, j'ai cru à la guérison. J'ai voulu y croire, très fort. Ça faisait du bien d'y croire, de se raccrocher à l'idée que malgré la douleur, malgré les traitements handicapants, malgré la perte progressive de toute mon autonomie et de tout mon amour propre, j'y arriverais. Quelle belle connerie j'ai fait. La maladie n'a jamais cessée de progresser. Pire encore, on m'annonçait "une forme foudroyante", ne me restant plus que quelques mois pour arranger mes affaires. Sourires condescendants, mots d'excuses hypocrites, et puis ils se retournent. Ainsi sont les gens. Mieux vaut-il éviter de croiser la route d’un malade, pour se sentir plus vivant. Et oublier, toujours, oublier. On a préféré me mentir plutôt que de m'avouer qu'une autres solution, beaucoup plus risquée, existait.
Par un heureux hasard, je l'ai découverte alors que j'étais entré à l'hôpital pour une nouvelle cure. Je n'étais pas encore trop affaiblie par les traitements, et je mettais à profit ces quelques heures de sursis en lectures de toute sortes. Beaucoup de magazines, scientifiques je veux dire. Et c'est comme ça, en lisant ce foutu article, que tout a changé dans ma tête.
Avec ce sourire plein d'espoir, j'en parlais au médecin lorsqu'il arriva dans la chambre. Quelle connerie n'avait je-pas fait !
- Non, mademoiselle. Tout ça, c'est de la folie. Rien de semblable ne fonctionne pour les maladies auto-immunes.
Et d'ajouter, assassin.
- Je ne cautionne pas ces pratiques.
Abattement total. Couplé aux effets du traitement, j'ai eu l'impression d'avoir l'esprit ravagé par la tristesse la plus immense que j'ai jamais connu. Le désespoir le plus absolu, totalement désemparée.
J'en ai reparlé un peu plus tard avec le médecin. A la fin de la cure, pour tout dire. Même mur de brique, borné et désagréable. Sciemment, il me condamnait à mourir à 20 ans.
Tic-tac, tic-tac. Les mois passe, la maladie progresse. Lentement, je réalise cette petite mort. Il faut réagir si je ne veux pas disparaitre. Faire vite, faire bien. Tenter l'impossible. Faire tomber les principes érigés par ma sainte famille, bouchon judéo-chrétien qui retient ma vie. Ma vie. Pas celle de ce Dieu hypocrite, aussi hypocrite que les Hommes qui le vénère.
C'est le temps des premiers contact. Des consultations organisées à la dernière minute, des voyages entre Duxington Harbour et Istanbul, Tokyo, Mumbai. Asie, terre de multiple. Espoir. Vague sentiment de bonheur, dans la tourmente.
La maladie qui progresse, encore et toujours. J'ai mal.
Trois mois passent ainsi. Dossier accepté à Istanbul. Je respire, me sens plus légère. Je danserais si je n'avais pas les jambes bloquées par les attelles et les mains prises par les béquilles. Dossier pris, mais ô combien couteux. Le compte ouvert par mes parents suffira à peine à payer les frais nécessaires. je serais vivant, potentiellement, mais ruinée à coup sûr lors de mon réveil. Il faudra faire avec. L'important, c'est de rester vivant. Juste ça. Le reste, le reste ça ne compte pas.
Rendez vous fixé. Nouveau voyage. Pas d'adieux, pour personnes. A leurs yeux, je serais disparue. A dans 20 ans, les amis. Dans ce corps qui ne sera plus ma prison.
20 janvier 2023, 15 h 45.
Arrivée de la patiente dans le service. Pas de plaintes particulières, exceptés celles liées à la maladie. Examen prévu demain et après demain. Procédure de mise en coma artificiel discuté avec l'anesthésiste : pas de précaution particulière.
22 janvier 2023, 17 h 10.
Chek-up effectué. Mise en coma programmé le 24 janvier à 14 h 00. Rendez -vous avec l'avocat et la neuropsychologue demain à 16 h.
Quelques pleurs cet après-midi. Pas de plaintes particulières.
25 janvier 2023, 14 h 30.
La patiente est sédatée sous un seuil léger de BZD et de morphine. Progression au coma profond jusqu'au 15 février. Prélèvement d'ovocyte et de cellules le 23 février. Placement de la patiente en cuve d'attente le 3 mars 2023, à Sofia. Intervention d'extraction cérébrale prévue le 21 novembre 2043, réveil du corps n°2 le 25 janvier 2043.
Fin du dossier en service de pré-clonage. Relais avec le service de chirurgie.
Maintenant, vous savez tout. Ce que j'ai accepté, cette erreur blasphématoire à vos yeux. Oui, je l'ai fais. Plutôt que de mourir bêtement, j'ai sauté ce pas douloureux. Oh, bien sûr, je suis heureuse de vivre, même si je dois travailler pour subsister à mes besoins. Je n'aurais plus jamais la fortune que j'ai connue avant, je ne m'en plains pas.
Même si le monde a changé. Même si maintenant, c'est tellement courant de changer de corps en cours de vie.
Oui, je vis plutôt bien. 20 ans à dormir ne m'ont pas donné trop à réfléchir. Même si dehors tout a changé, rien ne s'est passé pour moi.
Alors voilà pourquoi ce soir, je suis là, les pieds ballants, avec Jud' . Même s'il fait la gueule, même si on s'aime bizarrement. Rester en vie, à coté de lui, c'est ça mon plus grand bonheur.
Même si c'est une erreure.
* * * * * * * * * * * * * * *
L'aube nait au milieu de la nuit. Il est 3 heures, le soleil brille plus fort qu'en pleine journée. D'ailleurs, c'est pas le soleil. Ça serait tellement mieux que ce soit le soleil. Tellement plus normal. Mais rien n'est normal. Les vitres qui tremblent, la lumière aveuglante, moi debout à cette heure.
- Jud' ?
- Mmmmm ....
Et il se rendort.
Dehors, il n'y a pas un bruit. Pourtant, je sais que c'est pour moi. Doucement, la lumière décroit, les vitres cessent leur danse infernale. Jud' n'est plus là, il est déjà parti. Je me ressaisi.
Ce n'était que l'express de Sant Andrewh.
Ce n'était que ça.
Deux semaines depuis l'épisode sur le toit du gratte-ciel. Deux semaines déjà, que je replonge dans cette triste période. J'en perds le sommeil, je deviens irritable, angoissée. Comme si tout allait redevenir comme avant.
Crainte stupide, mais je refuse de céder à la tentation de la folie. La mort est repartie loin, à présent. Je le sens.
Alors, pourquoi-ai je peur ? Bientôt un an que je suis revenu, bientôt un an que je vis "comme tout le monde". Jouer à faire semblant ? Non, je n'y arriverais pas.
Bruit métallique dans la porte. Je sursaute. Sors du lit sans allumer la lumière, descends voir ce qu'il se passe en bas. Le grattement métallique se fait plus insistant à mesure que j'approche de la cuisine. Plus fort encore. J'ai peur, je tremble comme une feuille.
- Allez vous en !
Le grattement cesse aussitôt. J'halete, je suffoque, les gouttes tombent sur la table. Je m'agrippe le front à deux mains, m'affale comme une loque. Je deviens folle. Folle de peur, angoissée pour tout. C'est affreux, je ... veux juste être heureuse. Pas la folie, le bonheur.
Forcément, ça a réveillé Jud'. Il s'est levé, il est derrière moi. je peux voir mentalement ses cuisses un peu trop maigres, les formes anguleuses de ses hanches sous le boxer, la barbe de trois jours. Sa respiration, il s'approche.
- Oh, Jud', je vais devenir folle ...
Il prend une chaise, s'assoit face à moi.
- Noaa ...
- Prends moi dans tes bras.
Il soupire, avant de m'accepter contre lui. Je me recroqueville, comme une gamine.
- J'ai eu si peur.
- Tu sais bien que ce sont les médocs qui font ça.
- Je sais ... je sais.
Nouvel éclat de sanglot. Je le retiens avec difficulté.
- Qu'est ce qu'il faut faire ? C'est de pire en pire en ce moment ...
Jud' ne dit rien. Il reste silencieux un bon moment.
- Je reviens, fini-t-il par lâcher.
- Dépêche-toi, je suis pas rassurée.
Sourire, à demi dissimulé par le jeu du clair-obscur nocturne et de la lampe de la cuisine. Il disparait, pour de bon.
Je tente un exercice de relaxation mentale. Respirer calmement, fermer les yeux. Difficile au début, mais j'arrive à ramener un peu de ce calme vers moi. Dehors, la nuit, le silence. Pas un bruit. Pas un bruit, puis le claquement presque silencieux des pieds de Jud' contre le carrelage. Je souris, il est derrière moi.
- C'est bon, Jud'. Je crois que c'est passé.
- C'est bien.
Cliquetis métallique. Je n'ai pas envie de me retourner. C'est surement ces clefs, il joue toujours avec.
- Ne t'inquiète pas, Noaa. Ça reviendras plus.
Nouveau cliquetis métallique.
- C'est de la faute à personne. Tu le sais bien, Noaa ?
- Oui ... enfin je crois. Pourquoi ?
Gerbe de feu. Éclair photographique orangé. Bruit sec et stressant. Tout le monde connait ce bruit. Tout le monde.
La mort, cachée. C'est bien, comme ça, elle n'a pas eu à souffrir. Le corps est mort, l'esprit avec.
Jud' a balancé l'arme voilà bien longtemps. Noaa dort sous terre. Elle n'a plus s'angoisser. La mort a fini par s'occuper d'elle.
Mais pas comme elle aurait voulue.
* Sun Times, web-numéro du 29 juillet 2044
Une femme abattue de deux coups de feu a été retrouvé à son domicile, sur Cokx Street, en début d’après-midi. L’auteur du crime serait de toute évidence le concubin de la victime, actuellement interrogé par les services de la police fédérale. Les premiers éléments de l’enquête semblent orienter le meurtre vers le motif amoureux. *
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